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mardi 2 mars 2010

Quand manger est un danger

La santé des consommateurs est en danger : c'est l'Expansion, un hebdomadaire qui n'a rien de révolutionnaire, qui l'affirme. Il y a non seulement raison de le croire, mais raison de s'alarmer... La question à poser est, cependant, la suivante : suffit-il de dénoncer et d'en appeler à l'Union européenne? Cette enquête utile doit être suivie d'une autre : est-ce le système économique et sa politique de croissance qui produisent ces dérives meurtrières?

Nous n'hésitons pas, en tout cas, à reproduire une partie de l'article central du dossier, car il y va, effectivement, de notre santé.



Tiré de :

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Pesticides interdits, problèmes d'hygiène dans les abattoirs, publicité mensongère... "L'Expansion" a enquêté sur les dérives d'une filière agroalimentaire qui met en péril la santé des consommateurs.

Tout ça n'a que trop duré. Les enquêteurs de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp) veulent en finir avec les crises sanitaires et les fraudes alimentaires. Les poulets chinois gavés aux anabolisants, la mozzarelle de la Camorra contaminée à la dioxine, la "remballe" de viande des grandes surfaces, les abattoirs clandestins... Ils veulent que ça cesse et ont décidé de frapper fort en proposant à l'Europe de mobiliser, lors d'un colloque prévu du 6 au 8 octobre, tout ce qu'elle compte de sommités dans l'agroalimentaire - scientifiques, industriels, magistrats, policiers, gendarmes, ministres, etc. - afin de mieux lutter contre les scandales de la malbouffe.

Le ton monte de tous les côtés. Début mars, dans un colloque organisé au Parlement européen, le Comité de recherche et d'information indépendants sur le génie génétique, présidé par l'ex-ministre de l'Environnement Corinne Lepage, envisage de demander publiquement la démission de Catherine Geslain-Lanéelle, la directrice de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). En cause : le refus de mener des tests in vivo qui permettraient d'évaluer la dangerosité du Roundup de Monsanto, le désherbant le plus vendu du monde. Le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a lui-même jugé utile de lancer, il y a quelques semaines, des "états généraux du sanitaire". "Des maladies émergentes sont aux portes de l'Europe et la menace d'une crise sanitaire n'a jamais été aussi forte", affirme-t-on, rue de Varenne. Si tous ces acteurs de la vie publique se penchent sur notre assiette, c'est qu'ils voient la machine s'emballer. Les multinationales de l'agroalimentaire sont prêtes à tout pour produire plus en dépensant moins. L'industrialisation à outrance les conduit à élaborer des recettes toujours plus grasses, plus salées, plus sucrées, bourrées d'additifs, d'arômes artificiels et de conservateurs. Les fruits et les légumes sont dopés aux pesticides. Leurs résidus s'accumulent dans nos organismes et créent un effet cocktail dont on ne connaît pas l'impact sur la santé. De nombreux élevages de volailles ou de porcs sont de véritables usines, où les animaux sont gavés aux antibiotiques. Lorsqu'ils ne sont pas plongés dans du chlore pour éliminer les traces de bactérie, comme les poulets américains, dont l'importation est interdite en France...

La globalisation des échanges a ajouté son grain de sel. Des pays en pleine mutation économique, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, sont devenus des puissances agroalimentaires. Le n°1 mondial de la viande est brésilien depuis que JBS a racheté l'américain Pilgrim's Pride. Un des premiers producteurs de poissons d'élevage du monde ? La Chine, un pays peu soucieux des normes sanitaires, qui introduit sans états d'âme ses poissons contaminés aux métaux lourds dans les filières alimentaires. La course au rendement est telle que des pans entiers de l'agriculture se délocalisent, à l'image des haricots verts au Kenya ou des pommes au Chili. En Asie du Sud-Est, on rase les forêts tropicales pour planter des palmiers et fournir à l'industrie agroalimentaire de l'huile de palme bon marché. Et tant pis si notre alimentation est déjà trop riche en corps gras saturés.

Aveuglés par le marketing, les consommateurs n'y voient que du feu. Ainsi, les allégations sur la santé et la nutrition brouillent complètement nos repères, constate Pierre Chandon, professeur de marketing à l'Insead : "Les individus consomment jusqu'à 50 % en plus lorsque l'emballage porte la mention "faible teneur en matière grasse". Et lorsque le plat principal d'un repas est perçu comme "bon pour la santé", les consommateurs n'hésitent pas à commander des boissons et des desserts contenant 131 % de calories en plus." Un chiffre établi lors d'une étude sur le comportement des clients de Subway. En vantant les vertus diététiques de ses sandwichs, le géant américain a réussi à créer l'illusion. En témoigne cette publicité, diffusée aux Etats-Unis, qui met en scène une jeune femme dévorant un paquet entier de biscuits et rassurant son mari d'un : "It's OK, I had Subway." "On arrive à la situation paradoxale où les individus qui choisissent des aliments allégés consomment davantage pour compenser la prétendue faiblesse en calories", résume Pierre Chandon. "Si elle ne s'autodiscipline pas, l'industrie agroalimentaire court le même risque que les géants du tabac", avertit-il.

Pourtant, les industriels ne reculent devant rien. Lipton estampille son thé Linea d'un "0 calorie" pour le vendre 50 % plus cher qu'un thé vert classique, et le biscuitier LU garantit aux acheteurs de ses "Petit Déjeuner" un "apport glucidique régulier", sans préciser qu'ils comportent 50 % de graisses de plus qu'un petit beurre. Sauf que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se faire prendre la main dans le pot de confiture. C'est le cas du confiseur italien Ferrero. L'Efsa vient de lui demander de retirer la mention "Aide à grandir" de ses chocolats - riches en lait, mais aussi en graisses et en sucre. Elle a aussi retoqué les allégations de "coupe-faim" d'un fabricant de lait écrémé enrichi en protéines et en fibres. Enfin, elle vient de rendre un avis qui, s'il est avalisé par la Commission européenne, obligera les industriels du lait à retirer toute référence aux vertus des probiotiques. Selon elle, ces bactéries, que l'on incorpore dans les yaourts et les compléments alimentaires, n'ont pas fait leurs preuves.

"Si elle ne s'autodiscipline pas, l'industrie agroalimentaire court le même risque que celle du tabac." Pierre Chandon, professeur de marketing à l'Insead

Au rayon viande, ce marketing flirte carrément avec l'illégalité. A l'hypermarché Carrefour, porte d'Auteuil, à Paris, on trouve toutes sortes de boudins en barquettes : du premier prix (1,63 euro) au haut de gamme (3,26 euros). A y regarder de plus près, on remarque, sur chaque étiquette, le même agrément sanitaire commençant par la même série de chiffres : 72.331. "Cela signifie que tous ces boudins viennent de la même fabrique sarthoise et que la liste des ingrédients est identique. Seul le packaging change et, pourtant, le prix varie du simple au double", affirme un expert en traçabilité, qui tient à rester anonyme. Dans cette profession, en effet, on parle rarement à visage découvert par crainte de se faire "griller" par ses clients... distributeurs.

Rayons viande, là aussi, tout est histoire d'emballage. "Vous voyez, ces petits papiers buvards dans les barquettes, sous la viande ? Ça ne sert pas à éponger seulement le sang, mais aussi l'eau. Car ces viandes proviennent d'animaux gavés d'aliments phosphatés. Le sodium retient l'eau, la viande est donc plus lourde lorsqu'elle est pesée." Il y a trois ou quatre ans, on utilisait des buvards qui absorbaient 15 grammes d'eau. Aujourd'hui, ils sont capables d'en boire 40 grammes. Il y a donc de plus en plus d'eau dans les barquettes. Mais qui s'en rend compte ? Personne. Le préjudice est pourtant important : 40 grammes sur un morceau de 200 grammes, c'est 20 % du prix.

L'Expansion a classé par types d'aliments les notifications du Système d'alerte rapide sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux de l'Union européenne en 2009. Celui-ci centralise les cas présentant un risque grave et immédiat pour la santé signalés par les États membres.

Que font les enquêteurs de la Consommation et de la répression des fraudes ? Ce qu'ils peuvent. Car les services de contrôle sont en pleine cure d'amaigrissement, réforme de l'État oblige. "Dans dix-huit départements, dont le Cantal et ceux des Alpes, nous serons bientôt au-dessous du seuil critique en termes d'effectifs, pronostique Michel Garcin, secrétaire général du syndicat FO-CCRF. Comment voulez-vous assurer des missions de contrôle si nous n'avons plus assez d'agents pour les effectuer ?"

Même inquiétude dans les équipes vétérinaires, qui sont chargées d'inspecter les abattoirs de viande. "C'est la Berezina, s'emporte Benoît Assemat, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire. Les effectifs ont baissé de plus de 6 % depuis 2006, les recrutements sont en berne..." Inquiétant alors que, de l'aveu même du ministère de l'Agriculture, "la probabilité d'une crise sanitaire est passée d'une tous les dix ans à une par an aujourd'hui".

Dossier coordonné par Jean-Jacques Manceau. Charles-Emmanuel Haquet, Chloé Hecketsweiler, Géraldine Meignan, Jacques Bury et Joël Clergiot - 24/02/2010. http://www.lexpansion.com/economie/actualite-entreprise/quand-manger-est-un-danger_227434.html?pg=2

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