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jeudi 27 décembre 2007

Planter des arbres ou… protéger la forêt?

Planter des arbres pour sauver le climat est la grande mode du
moment. Il n’y a qu’à voir les opérations qui pullulent ces derniers
temps : «Un milliard d’arbres pour la planète» du Programme des
Nations unies pour l’environnement, «Un arbre, un Parisien» de la
Ville de Paris, et encore «Plantons pour la planète» d’Yves Rocher.
L’idée est qu’en grandissant, un arbre capte du C02, l’un des
principaux gaz à effet de serre, permettant donc d’en atténuer
l’impact sur le réchauffement climatique. Ainsi les émissions de C02
émises par nos activités (industrie, transport, chauffage…)
pourraient être compensées par des plantations d’arbres. Une simple
règle de trois permet d’abord de se rendre compte que si l’on voulait
compenser les émissions mondiales de CO2, à l’horizon 2020, il
faudrait convertir presque un quart des terres émergées, aujourd’hui
utilisées pour d’autres usages comme l’agriculture, en plantation
d’arbres. Autant dire qu’il ne resterait pas grand-chose pour
cultiver et nourrir la planète ! De plus, le bénéfice en terme de
stockage de C02 d’une plantation d’arbres peut-être discutable. Par
exemple, en zone tempérée, une prairie stocke environ 10 GtC/ha (giga
tonne de carbone par hectare) dans la biomasse aérienne mais surtout
290 GtC/ha dans le sol soit un total d’environ 300 GtC/ha alors
qu’une forêt ne stocke qu’environ 150 GtC/ha (50 GtC/ha dans la
biomasse aérienne et 100 GtC/ha dans le sol).

En plantant des pins du Mexique (Pinus patula) dans les Andes, un
écosystème différent de celui dont ils sont originaires, ces arbres
ont appauvri et desséché le sol. Les pertes en matière organique
n’ont pas pu être compensées par les aiguilles de pins car les micro-
organismes capables de les dégrader n’existent pas dans ce nouvel
écosystème. Au final, la quantité de carbone relâchée par le sol est
supérieure à celle stockée par les arbres ! De plus, ces plantations
ont créé de nombreux conflits avec les communautés locales qui se
sont vues interdire l’accès à ces terres pour faire pâturer leur
bétail, car là est l’autre problème que posent ces plantations : de
quel droit réquisitionne-t-on la terre dans les pays du sud pour
planter des arbres et absorber les émissions excessives des pays du
Nord ? Plutôt que de se féliciter de cette nouvelle mode et
l’encourager, ne doit-on pas plutôt considérer qu’il s’agit d’un
signal d’alarme, d’une preuve que nos modes de vies nécessitent une
surconsommation d’espace environnemental que nous comblons en
empiétant sur celui d’autres populations ?

Toujours, en Amérique latine, chaque année une journée internationale
d’arrachage d’arbres est désormais organisée pour protester contre
les plantations massives d’eucalyptus. Non seulement, ces plantations
privent les paysans de terres cultivables pour se nourrir, mais en
plus, l’eucalyptus, qui est un arbre à croissance rapide, absorbe
tellement d’eau qu’il assèche les rivières et les privent d’eau
potable, d’où son surnom d’«arbre de la soif».

La décision de planter des arbres n’est que rarement prise par les
populations locales, au mieux, elles sont consultées pour
approbation. Rares sont les pays du sud qui ont planifié des
politiques de boisement et reboisement et, pourtant, nombreux sont
ceux qui voient arriver les planteurs d’arbres qui veulent sauver la
planète. Par exemple, le projet «Un arbre, un Parisien», piloté par
l’ONF International, prévoit la plantation d’arbres dans des communes
du centre du Cameroun alors que c’est dans le nord du pays, dans la
zone la plus sèche, que les besoins en plantations sont criants. Ce
choix n’a pas été retenu car le stockage de carbone aurait été
moindre, mais cela n’empêche pas pour autant de prétendre qu’il
s’agit d’un développement qui correspond aux besoins des populations.

Si les planteurs d’arbres se sont multipliés ces derniers temps, le
mouvement pourrait encore s’accélérer avec les négociations lancées à
Bali sur la «déforestation évitée». Ce nouveau mécanisme a pour
objectif de compenser financièrement les Etats qui s’engagent à
ralentir la déforestation. L’idée est séduisante car les forêts
primaires, et plus généralement les forêts naturelles, ont tendance à
disparaître comme peau de chagrin alors qu’elles stockent, certes de
grandes quantités de carbone, mais surtout abritent une biodiversité
exceptionnelle et fournissent de nombreux services aux populations
qui en dépendent (eau potable, nourriture, plantes médicinales…)

Pour la Food and Agriculture Organisation (FAO) les monocultures
d’arbres à croissance rapide sont comptabilisées au même titre que
des forêts primaires. Ce qui explique, par exemple, que la Chine a
une surface forestière en pleine extension avec des plantations
massives de peupliers transgéniques ! Comment peut-on applaudir
lorsque l’Indonésie annonce, juste avant la conférence de Bali, la
plantation de soixante-dix-neuf millions d’arbres de seulement deux
espèces (l’eucalyptus et le teck) alors que, pendant la même journée,
dans le même pays, ce sont près de 7 000 hectares de forêts
naturelles, riches de plusieurs centaines de millions d’arbres, de
plantes et d’animaux d’espèces différentes qui disparaissent ? Va-t-
on verser un financement pour avoir ralenti la déforestation à un
pays qui rase ses forêts naturelles pour y planter du palmier à
huile, considéré par la FAO comme un arbre ?

Les discussions ne font que commencer mais devront aboutir rapidement
pour que le mécanisme de «déforestation évitée» soit opérationnel en
2012. La fédération internationale des Amis de la Terre, qui regroupe
des ONG présente dans soixante-dix pays différents, mène campagne
pour que ce nouveau mécanisme ne déçoive pas les espoirs qu’il
suscite et assure vraiment la protection des dernières forêts
naturelles et la reconnaissance des droits des populations qui en
dépendent.

SYLVAIN ANGERAND, Chargé de la campagne Forêts aux Amis de la Terre.
25-12-2007
Voir : http://www.liberation.fr/rebonds/300156.FR.php

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