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lundi 2 juin 2008

Libre ou libéral ? Offrir une réponse écologiste!

Le débat sur le libéralisme est lancé. Utile clarification ! Bertrand Delanoë a eu L’Audace -c’est le titre de son dernier livre- d’appeler les socialistes du XXIe siècle à adopter pleinement le libéralisme. Un « libéralisme politique », bien entendu… Alain Richard, du coup, lui est « reconnaissant » d’avoir « fait reculer l’inculture ». Rien de moins ! Déjà Michel Rocard, l’an passé, à La Rochelle, voulait « réhabiliter » le libéralisme. Quant à Manuel Valls, il va jusqu’à recommander d’inscrire le libéralisme dans la déclaration de principes du Parti socialiste.

Voilà donc un débat qui semble faire rage ! Pourtant, la poudre aux yeux est largement projetée au visage des citoyens. Les prend-on pour des gogos ? Ce débat, qu’on dit interne au Parti socialiste, en déborde rapidement parce que ce n’est pas en son sein qu’il est né ! La question intéresse l’ensemble de ce qu’on appelait, jusqu’ici, la gauche : "en adoptant les mots de la droite, la gauche importe aussi sa pensée" écrit Michel Soudais dans Politis.


Bien entendu, "pour se démarquer", Ségolène Royal déclare "totalement incompatible" le mariage du libéralisme et du capitalisme. Le Congrès de Reims du PS s’annonce bien…

Pour sortir de l’ambiguïté, il faut entrer dans les mots. Car il y a "libéral" et "libéral". Est libéral celui qui respecte la liberté individuelle, donc la liberté d’agir et d’entreprendre, mais, inversement, est aussi libéral celui qui s’appuie sur cette liberté pour imposer à autrui le pouvoir de son argent ! Le danger est dans la superposition des sens ! Quand libéral veut dire large de vues, il s’agit de libéralisme politique. Quand libéral veut dire libre d’imposer ses vues à autrui, il s’agit de libéralisme économique voire de dictature économique.


Le réalisme économiste se sert de la liberté pour l’interdire. Des politiciens se plaisent à instrumentaliser des vocables. Ils enferment alors le débat politique dans les étiquettes. Ils oublient le contenu des flacons ! Les adversaires de l’idéologie idéologisent !


Le refus de se voir imposé des limites est à double sens. S’opposer à l’interdiction de circuler, parler, écrire, aimer, n’a rien à voir avec l’interdiction de dominer, thésauriser, s’approprier les richesses et les répartir à son gré ! Il ne peut y avoir deux libertés superposées. La liberté invoquée en économie n’est pas la même que la liberté défendue en politique. L’une tue l’autre. Il y des limites au pouvoir de l’État comme à celui des puissances d’argent.


Au cœur du débat se situe précisément la notion de limite. Et là, l’écologie intervient. Le "libéral-libéraliste" n’en veut aucune : "tout est possible". Or, c’est faux : tout n’est pas possible dans un monde fini. Le "libéral-libre" sait que la limite fait partie de la condition humaine.

Voilà pourquoi le débat sur la décroissance, comme sur le libéralisme, sera acharné. La décroissance n’est pas le recul mais la reconnaissance des limites. Il y a deux manières de repérer une limite, un mur... Soit en guettant son approche et en s’arrêtant à distance respectueuse, soit en courant tête baissée jusqu’à ce qu’on le heurte. La liberté commence quand on sait ce qu’on peut faire. Elle s’évanouit quand on lui demande de tout pouvoir faire, y compris ce qui peut nuire aux concitoyens dont on partage le sort.


Un socialiste qui accepterait "les lois du marché", et admettrait les lois non écrites de la domination du capital, n’est plus socialiste, et ne peut plus se réclamer de la liberté. Encore une fois, la liberté n’est pas le simple droit de faire, faire sans contrepartie ni contrôle. La liberté individuelle n’est pas la liberté qui ne serait accordée qu’à chaque individu ayant les moyens de l’exercer. Le droit de faire ce qu’on veut n’est pas la liberté. La liberté sans partage est un leurre.


Le pouvoir d’achat dont on nous rebat les oreilles n’est plus la liberté de vivre. C’est la liberté de consommer ce qu’on est conditionné à acheter. Le diable, nous prêchait-on, n’est jamais si efficient que quand il se fait oublier. S’il convainc ses victimes qu’il n’existe pas, il peut mieux agir. Qui fait croire que le consommateur est libre s’inspire de ce diable. La pseudo-liberté du plus fort, du plus nanti, du plus instruit est une perversion…, et sacrifie, sans état d’âme, la liberté d’autrui.


Le débat est très ancien et son retour dans l’actualité étonnant. Les Révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle savaient déjà qu’il n’y a pas liberté sans égalité. Ni de liberté et d’égalité sans fraternité. Mais la devise républicaine a-t-elle jamais été prise au sérieux ? Faute de contenu donné à la fraternité, on en a fait une charité, une générosité, un humanisme douceâtre. On n’a pas voulu y voir l’hospitalité universelle et le partage dans la justice, une nécessité vitale pourtant, et la condition même de la liberté.

La planète nous impose, aujourd’hui, de choisir entre ces deux qualificatifs : libéral et libre. Est libéral celui qui accapare la liberté et la brandit comme un slogan. Est libre, plus modestement, celui dont le sort ne dépend pas de plus puissant que lui. Dans une planète fermée, il n’y a pas de porte ouverte sur un « toujours plus » indéfini.


L’histoire nous en a fait, cruellement, accomplir l’expérience : l’égalité sans liberté, c’est la dépossession et la mort. Le collectivisme anéantissait l’individu. La liberté sans égalité, c’est l’appropriation et la mort. Le libéralisme, c’est la confiscation des richesses du monde, par une partie des hommes. Il tue aussi.

Inutile, dès lors, de tenter de détourner les mots : qui s’affiche libéral ne peut rester libéral s’il s’en tient à ses seuls intérêts. Le libéralisme, devenu une doctrine, est liberticide. L’ami véritable de la liberté n’en fera jamais un principe, substituable à tous les autres. Est libre -et non libéral- celui qui échappe à la domination et travaille à ce que les autres y échappent.


Échappons donc nous-mêmes à la confusion. Profitons de ce débat, entr’ouvert par ceux qui s’y perdent, pour tenter d’y introduire cette révolution philosophique inachevée depuis 1789 : libres, égaux et fraternels n’est pas une utopie. Là où il n’y a plus d’utopie, de visées idéales, il n’y a plus de politique. Une humanité qui renoncerait à ce qu’elle a conçu, : une République fondée sur la possibilité d’un « en commun » sombrerait dans un réalisme suicidaire.

Quand libéral entre dans le vocabulaire économiste et réaliste des hommes politiques qui n’ont plus ni projet, ni rêve, ni espérance, cela signifie que le droit à la liberté pour tous est abandonné et renvoyé au magasin des illusions. Renoncer à bâtir toute cité nouvelle ou chercher d’urgence à la bâtir : c’est le choix, autant philosophique que politique, qui s’offre encore aux Terriens au moment où, dans un monde en mutation rapide, se trouvent bouleversées toutes les idées reçues.

Jean-Pierre Dacheux et Alain Frédéric

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