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mardi 2 décembre 2008

Vers un krash alimentaire mondial ?

Navré! Encore une émission angoissante! Mais pourquoi se fait-il que toutes les sonnettes d'alarme soient tirées en même temps si ce n'est parce qu'il y a le feu et qu'il faut se mettre tous à pomper!

Soirée Théma d’Arte, ce soir mardi 2 décembre, à 21 heures



Alors que la mondialisation est censée être synonyme de croissance, le monde se trouve dans une situation qu'il n'a plus connue depuis trente ans : les stocks de céréales n'assurent plus que 37 jours de nourriture à la population mondiale. C'est bien en-deçà du niveau officiel de la sécurité alimentaire, fixé à soixante jours. Le monde risque d'être plongé dans une crise très grave. Les statistiques indiquent que les récoltes de 2008 seront insuffisantes pour nourrir tous les habitants de la planète, pour la septième fois en huit ans. Au moment même où la demande chinoise en céréales s'est brusquement accélérée, les biocarburants ont commencé à redessiner la carte de l'agriculture mondiale. Aux Etats-Unis, la production d'éthanol à base de maïs engloutit le tiers des récoltes du pays
.

Ce document coup de poing donne une alerte très précise sur ce qui nous attend si nous ne nous saisissons pas collectivement du problème agricole et alimentaire mondial. Malheureusement il ne donne guère de solutions, mais il fixe très clairement les enjeux.

Ci-dessous une interview que Bruno Parmentier a donné à Arte, à cette occasion.

« Pour une révolution de la pratique agricole »
Directeur de l’ESA (École Supérieure d’Agriculture), Bruno Parmentier, ingénieur des mines et économiste, est l’auteur d’un ouvrage référence Nourrir l’humanité (Ed. La Découverte, 2007, prix Terra 2008) sur le défi alimentaire. Il en décrypte les enjeux.

Pourquoi n’a-t-on pris conscience de la crise alimentaire qu’en 2007 ?

Alors que huit des dix dernières ont été déficitaires en céréales, les stocks préalablement constitués (environ six mois de consommation depuis des décennies) ont un temps permis de maintenir les cours à bas niveau, jusqu’à ce qu’apparaisse la réalité d’une légère pénurie : nos stocks de céréales sont actuellement au plus bas depuis la 2ème guerre mondiale. Or quel que soit le prix, la demande des 6,5 milliards d’habitants sur la planète, elle, ne fléchit pas. Elle augmente même de 2% par an, entre les 80 millions de « convives supplémentaires », la croissance de la consommation de viande et de lait par une partie de la population, notamment les classes moyennes d’Asie, et la production de biocarburants. En outre, au gâchis à la production dans le Sud – les récoltes pourrissent par insuffisance de transports et de stockage -, s’ajoute celui, effrayant, à la consommation dans le Nord. Ainsi, en 2007, les courbes de croissance structurelle de la demande mondiale et celle de l’offre, très dépendante des conditions climatiques, se sont croisées.

Comment vont évoluer l’offre et la demande alimentaire mondiale dans les prochaines décennies ?

Avec environ 3 milliards d’habitants en plus d’ici 2050, la demande alimentaire variera en fonction des continents. Afin que chacun mange à sa faim, il faudrait doubler la production agricole mondiale, mais en réalité la multiplier par 5 en Afrique, 2, 3 en Asie et 1,9 en Amérique latine. L’offre aura beaucoup de mal à suivre. Pourtant, le XXème siècle a enregistré certains succès en la matière. Ce n’est peut-être pas glorieux, mais alors que la population quadruplait, le chiffre de ceux qui souffraient de la faim est resté stable, à savoir 850 millions. On a donc produit nettement plus, mais avec beaucoup plus de ressources. Désormais, nous allons devoir faire toujours plus, mais avec moins de ressources, ce qui est beaucoup plus difficile.

Moins de terres, mais aussi moins d’eau et d’énergie…

Les terres arables (1,5 milliard d’hectares soit 12% de la planète) ne sont pas extensibles. Bien que les réserves, essentiellement les forêts tropicales, soient mises en culture à un rythme déraisonnable, accélérant le réchauffement climatique, nous perdons plus de terres que nous n’en gagnons, à cause de la pollution et de l’urbanisation massive. La Chine, par exemple, perd 1 million d’hectares par an ! Si en 1960, nous mangions à deux sur un hectare de terre cultivée pour quatre aujourd’hui, nous serons six en 2050. De plus, le réchauffement de la planète augmente les problèmes dus à l’eau et nous aurons à la fois davantage de sécheresse (par exemple depuis cinq ans, il ne peut plus en Australie, qui était un grand pays exportateur de céréales) et davantage d’inondations. Nous exploitons 200 millions d’hectares irrigués sur la planète et ne pourrons augmenter ce chiffre que de 20%, avec d’énormes investissements, tandis que le niveau des nappes phréatiques va baisser de façon très importante dans de nombreuses régions. Enfin, l’agriculture est très « énergétivore » : pour produire une tonne deblé, il faut près de 300 litres de pétrole, pour les engins, mais surtout pour les engrais et les pesticides. Les agriculteurs devront impérativement produire avec moins d’énergie. Dans le même temps, on leur demande de remplir les réservoirs d’essence avec les biocarburants. C’est un défi gigantesque.

Quelles solutions préconisez-vous ?

Au XXème siècle, on a artificialisé au maximum l’activité agricole, et notamment par la chimie, à travers les engrais, les fongicides, les insecticides et les herbicides. Une solution coûteuse, tant sur le plan financier qu’en termes d’énergie, de pollution et d’impact sur la santé. L’âge de la chimie pour l’agriculture est maintenant révolu. Le XXIème siècle devra être celui de la biologie, et en particulier de l’agriculture à « haute intensité environnementale ». Il faut trouver des moyens de faire jouer à la nature le rôle des engrais et des pesticides, c’est à dire par exemple avoir recours à des associations de plantes qui se protègent et se nourrissent entre elles et plus généralement faire appel à la biodiversité. Les vers de terre, par exemple, qui sont d’excellents laboureurs, les abeilles pollinisatrices, les bactéries, les champignons, etc. En outre, comme dans les régions tropicales, nous devrons récolter au moins deux fois l’an : une l’hiver pour nourrir la terre avec des plantes fixant le carbone et l’azote et économiser les engrais, et une l’été pour nourrir les hommes. Cette révolution urgente de toute la pratique agricole implique de vastes programmes de recherches. D’autant qu’il va falloir inventer des milliers d’agricultures, une par canton et par micro-climat…



Que pensez-vous du débat sur les OGM ?


Il est faussé, parce que les premiers OGM n’apportent pas de réelle solution aux problèmes de l’humanité et qu’ils ont été fabriqués par une multinationale américaine spécialisée dans les herbicides et les insecticides, Monsanto, dont le gouvernement américain a assuré des conditions favorisant le monopole, la privatisation du vivant et une impunité face aux dérives. Mais les vrai enjeux sont autres, par exemple la mise au point de céréales moins consommatrices d’eau ou de plantes productrices de protéines ou de vitamines, ou résistantes au froid ou à l’altitude, etc. Il peut y avoir des OGM « de vie ». Tandis que l’Europe bloque sur la question, les OGM plantés dans le monde recouvrent déjà cinq fois la surface agricole française. S’il faut d’abord parier sur une agriculture à haute intensité environnementale, nousdevons aussi lancer des recherches, publiques, sur les OGM en garantissant la sécurité pour calmer les peurs qui se sont multipliées. Car si les paysans échouent, la faim, elle, sera également très dangereuse quand elle engendrera émeutes et guerres.

Quelle est la responsabilité de l’OMC dans la crise alimentaire ?

Depuis vingt ans, la pensée unique a imposé l’idée qu’il fallait arrêter de soutenir les agriculteurs et ouvrir les frontières, pour une plus grande émulation. C’est pourquoi on a retiré à la FAO l’organisation de l’agriculture mondiale pour la confier aux commerçants de l’OMC. On a ainsi expliqué aux États africains que s’acharner à faire de la nourriture ne servait à rien, puisque d’autres pays étaient plus efficaces pour produire. Au nom du remboursement de la dette, la Banque mondiale et le FMI ont découragé le soutien à l’agriculture vivrière, au profit de celle génératrice de devises : arachide, coton, café, cacao... Cette politique s’est effondrée en 2007 lorsque les pays exportateurs de céréales ont fermé leurs frontières, affamant les pays qui avaient bradé leurs agricultures. Si dans l’imaginaire français traumatisé par les pénuries de la 2ème guerre mondiale, la faim est un phénomène urbain, ce sont en réalité des paysans qui meurent aujourd’hui de faim dans le monde, en silence. Le problème n’est donc pas de les nourrir, tâche pratiquement impossible, mais plutôt de cesser de les empêcher de se nourrir eux-mêmes ! D’où la nécessité d’une sorte de « plan Marshall » pour reconstruire et soutenir l’agriculture vivrière et familiale dans ces pays. La paix mondiale sera à ce prix.



http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article8907
http://television.telerama.fr/tele/emission.php?id=11114179

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