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lundi 7 janvier 2008

La voiture à air comprimé : un bol d’air pur ou du vent ?

Impossible d'ignorer cette fausse nouveauté. Tout le rapport à l'automobile et au pétrole s'y trouve étudié.

Les médias se sont emparés de l’annonce du pétrole à 100 dollars le baril pour placer des sujets connexes, si possible spectaculaires. L’un d’entre eux concerne la voiture à air comprimé.

Il s’agit en fait d’un vieux serpent de mer, puisque ça fait bien 15 ans que son ré-inventeur, l’ingénieur français Guy Nègre, croit à cette idée. Ré-inventeur, car cette technologie était déjà connue il y a fort longtemps : des tramways à air comprimé de marque Mékarski (du nom de son inventeur Louis Mékarski) ont circulé à Paris entre 1876 et 1879, et à Nantes entre 1878 et 1917. Puis, l’ère du pétrole est arrivée, qui a tout balayé sur son passage.

Le problème, c’est que depuis une bonne quinzaine d’années, on a beau scruter nos rues, pas de trace de la moindre voiture à air comprimé, le pétrole est omniprésent. La société de Guy Nègre vivote, il a même à un moment été contraint de licencier une bonne partie de ses salariés.

Il y a 2 hypothèses possibles à ce fiasco :

1) Le concept est foireux. C’est l’avis de physiciens, qui estiment, calculs à l’appui, que le rendement de l’air comprimé est insuffisant pour procurer à la fois des performances et une autonomie suffisantes.

2) La thèse du complot. Les puissants lobbies pétroliers et automobiles font tout pour que ce projet ne voie jamais le jour.

Même si l’hypothèse 2 est tout à fait plausible, l’hypothèse 1 est vraisemblablement à retenir.

Sauf que… Les temps changent, le prix du pétrole augmente rapidement et inexorablement, les préoccupations environnementales deviennent réelles, et ce qui pouvait être considéré comme “foireux” il y a quelques temps doit maintenant être réexaminé avec de nouveaux critères.

Guy Nègre n’est pas tout à fait n’importe qui. C’est un motoriste qui a travaillé pour l’aéronautique et pour la Formule 1. Il a amélioré au fil du temps le rendement de son moteur. Et surtout, il a conclu l’an dernier un contrat avec la société indienne Tata (on ne rigole pas, c’est une grosse multinationale, et qui va le prouver en rachetant ces symboles occidentaux que sont Jaguar et Land Rover). Rappelons que le coût de la main d’oeuvre indienne n’a pas grand chose à voir avec celui des ouvriers français de Renault ou Peugeot et que l’Inde nous promet une déferlante de voitures à un prix annoncé d’environ 3000 euros!

Guy Nègre a par ailleurs monté une nouvelle société, MDI , sous la forme d’une holding immatriculée au… Luxembourg. La société “physique”, elle, se trouve à Carros, dans les Alpes Maritimes. Une holding à Luxembourg, un contrat avec un gros constructeur indien, c’est que les choses bougent et que l’argent frais arrive ! D’ailleurs, les reportages concomitants et flatteurs dans plusieurs médias sentent très fort le plan de communication bien orchestré.

Quelles sont donc les promesses de MDI ? Les reportages télé, d’une complaisance absolue, font état d’une voiture “zéro pollution” (abstraction faite des considérations philosophiques qui disent qu’une voiture pollue par sa seule présence), qui ne consomme et rejette que de l’air. Présenté ainsi, c’est forcément séduisant. Sauf que c’est à la limite de la malhonnêteté intellectuelle.

Prenons la petite voiture “Minicats” . Elle se situe dans la catégorie de la Smart, dont elle reprend grosso modo les dimensions extérieures. Sauf que, selon le constructeur, elle permet de loger 3 personnes et non pas 2, tout en disposant d’un grand volume pour les bagages (500 dm3 ! Soit la contenance d’un coffre de grosse berline! Et le tout ne pèse que 550 kg (la Smart en fait 730). Fort bien. Coté moteur, la version à air comprimé annonce une puissance de 25 chevaux (la Smart diesel en fait 41), ce qui est fort peu, mais largement suffisant tant qu’on ne s’aventure pas sur autoroute, puisqu’elle atteint le 110 km/h. Comme une 2CV des années 1970 en somme…

L’autonomie annoncée est de 150 km en ville. A vue de nez ce serait suffisant, sauf que là encore une Smart en fait plutôt 300 ou 400.

L’énorme avantage est la totale absence de pollution atmosphérique, notamment en ville alors que les diesel, même ceux qui vont recevoir la fameuse pastille garantie écologique de Borloo, sont dépourvus de filtre à particules et crachent dans l’atmosphère cette fumée noirâtre, puante et cancérigène que le lobby français du diesel nous fait avaler depuis des décennies tout en nous inondant de pub pour nous faire croire que leurs machines noires sont “vertes”.

Le “plein” se fait soit sur une prise de courant ordinaire, alimentant un compresseur qui remplit le réservoir en 5 heures (mais cela suppose que la bagnole soit proche d’une prise électrique, ce qui n’est en général pas le cas dans la rue!) soit dans une station service, par un pistolet qui transfèrerait l’air comprimé stocké dans la station vers le réservoir de la voiture, et ce en 3 minutes. Dans le premier cas, cela couterait à peine plus de 2 euros d’électricité, dans le second encore moins ! Le tout pour faire mettons 100 km. Si on admet que la Smart diesel consomme 5l/100 en ville, l’air revient au bas mot 3 fois moins cher que le gasoil !

En fait, ce modèle se rapproche davantage d’une voiture électrique, sans certains inconvénients comme ces lourdes et archi polluantes batteries, à la durée de vie limitée. Mais avec un réservoir d’air sous pression (300 bars !) situé sous le siège, qui n’est pas forcément si anodin et revêt même (comme une cocotte-minute !) les caractéristiques d’une bombe potentielle. Pour le reste, zéro émission, mais performances et autonomie limitées. Prix annoncé : 9200 euros, contre plus de 12000 à la Smart mazoutée.

On sait ce qu’il est advenu des voitures électriques. La plupart des administrations qui les ont achetées les ont poubellisées… Quant aux particuliers… Autre point : quel est la part de marché des Smart ? Anecdotique ! Le consommateur veut aujourd’hui une voiture spacieuse, performante, confortable et économique. Les modèles les plus vendus sont du type Renault Clio ou Peugeot 207 : environ 4 mètres de long, plus d’une tonne, 100 chevaux, 6 litres aux 100 sur route et 8 en ville, capables de rouler à 180 km/h, de transporter au besoin 5 personnes et leurs bagages, dotées d’une multitude d’équipements de confort et de sécurité (dont la sacro-sainte clim), ne passant à la pompe qu’après avoir parcouru 700 km, et ne nécessitant pas de grosses réparations avant 100000 km. Le tout disponible pour 15 ou 20000 euros. Et beaucoup moins pour un modèle d’occasion en bon état.

Les reportages télé ont aussi passé sous silence une évidence pourtant importante : à l’état naturel, l’air n’est pas comprimé ! Pour ce faire, il faut lui faire subir une opération mécanique, qui demande évidemment de l’énergie. En l’occurrence électrique.

Même si l’information ne figure pas clairement sur le site de MDI, j’ai lu ici ou là que “faire le plein” d’un réservoir de voiture électrique nécessite de consommer 20 kWh pour faire donc 100 km. Ce qui colle à peu près avec le prix annoncé (et à vérifier) d’un “plein”, le prix moyen de l’électricité en France étant d’environ 11 centimes du kWh, parmi les plus bas d’Europe.

La moyenne française de 13000 km par an revient en pratique à faire un “plein” tous les 2 jours environ. Soit 180 par an. Et donc 3600 kWh par véhicule. A peu près la consommation moyenne d’un ménage, qui la verrait donc doubler !

Il y a en France environ 36 millions de véhicules (voitures particulières et utilitaires légers). Une bête multiplication donne un ordre de grandeur de 130 TWh (TeraWattHeures, 1 Tera = 1000 Giga ou mille milliards !). Or, la production électrique française est actuellement de 550 TWh, fournie à 80% par des centrales nucléaires. Pour fixer les ordres de grandeur et contrer les idéalistes qui imaginent qu’on pourrait produire cette électricité avec des éoliennes (une voiture qui roule à l’air produit par du vent, c’est-y pas beau ?), rappelons que la production éolienne française est actuellement d’environ 2 TWh…

En théorie ce n’est donc pas totalement irréaliste, puisqu’il suffirait donc (et pour cela, il faudrait !) augmenter la production d’électricité d’un quart pour faire rouler ces bagnoles. Madame Lauvergeon étant capable de vendre des centrales nucléaires aux Chinois et à Kadhafi, se ferait un plaisir de nous en construire quelques unes (environ 4) de plus

Autre rappel : la situation française (80% d’électricité nucléaire) n’est pas, mais alors pas du tout représentative de ce qui se passe au niveau mondial, où les 2 tiers de l’électricité produite l’est par des énergies fossiles dégueulasses (principalement charbon, mais aussi gaz et pétrole).

Encore un rappel : fabriquer une voiture, même “propre à l’usage”, est une activité très polluante et dévoreuse d’énergie. Il faut fabriquer de l’acier et de l’alu, le transporter, plier et assembler des tôles : tout ça ne se fait pas en soufflant ! Et que dire du plastique omniprésent dans les bagnoles, sinon qu’il est fabriqué à partir de … pétrole !

- Le concept est sûrement intéressant, mais les télés nous ont pour l’instant vendu du vent sorti d’un pipeau !
- Pourquoi une domiciliation fiscale luxembourgeoise ? Une fabrication indienne ? Ce genre de “détail” augure bien mal de l’avenir…
- Il est évident que ce type de modèle n’aura jamais de succès commercial sans une transformation radicale de la mentalité d’un automobiliste occidental moyen de 2008. Même une forte pression sur son portefeuille aura du mal à remettre d’un coup en cause toute une vie de conditionnement quasi religieux…
- Dans l’état actuel des choses, c’est juste une concurrente potentielle de la Smart. Les choses changeront forcément, puisqu’il est dans l’évolution naturelle des choses que les voitures deviennent plus petites et moins rapides… Mais quand ? Dans 10 ans ? Dans 20 ans ?
- Enfin, et c’est peut-être la meilleure nouvelle, il est évident que ce véhicule est un symptôme de décroissance ! Vous vous rendez compte le manque à gagner pour les multinationales de la bagnole et du pétrole, qui sont au nombre de 9 sur les 10 plus grandes multinationales mondiales ?

Source : http://www.superno.com/blog/

7 janvier 2008

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